0 0 0
0
0
0
0
0
0
0
0
votre référence sur les Calanques de Marseille

Calanque de Port-Miou


Localisation :

5°31'5.47''E ○ 43°12'28.73''N - Commune de Cassis - Quartier "CASSIS"

lien Google Earth :


Description :

Sens : "port-miou" = bon-port

Située sur la commune de Cassis, la Calanque de Port-Miou est très encaissée et propose naturellement aux bateaux une excellente protection contre les éventuelles intempéries, d'où son nom signifiant "bon port".

Ce n'est vraiment pas une Calanque sauvage à la nature préservée, et même si son histoire mouvementée l'a menée à devenir aujourd'hui un port de plaisance extrêmement bien garni, le site de Port-Miou porte plusieurs traces de la pollution industrielle.

À la fin du 19ème siècle, une carrière de pierre signalée "Carrières Solvay" sur les cartes fut installée à Port-Miou par la société du chimiste industriel belge Ernest Solvay, l'inventeur d'un procédé de production de soude chimique encore employé aujourd'hui. Il s'agissait à Port-Miou d'extraire la fameuse "pierre de Cassis", taillée dans les falaises qui surplombent la Calanque : on y chargeait directement les bateaux avec la roche récupérée plus haut et l'on déversait les tonnes de sable de trop dans le fond de la Calanque, ce qui était très pratique. Et même si l'exploitation de cette pierre datait de l'Antiquité, ayant fait la renommée mondiale de ce petit port de pêche, il y eut au début du 20ème siècle un grand mouvement de protestation contre l'expansion des carrières dans les Calanques, ce qui n'a pas empêché son exploitation jusque dans les années 1980. Les quais des grands ports d'Alexandrie, d'Alger, du Pyrée, de Marseille sont en pierre de Cassis, tout comme la fameuse "pile marseillaise" [un évier taillé dans la masse de la pierre] très prisée aujourd'hui. C'est en effet une pierre coquillée d'origine marine et non lacustre qui propose une excellente résistance au temps et que l'architecte Fernand Pouillon a choisi d'utiliser pour bien des constructions à Marseille à partir des années 1930.

La falaise que l'on peut longer sur le sentier 8 vert à Cassis a été taillée bien nette à la dynamite et cache derrière elle, quelques mètres de roche plus profondément, une autre de ces "dépressions artificielles", le trou dans lequel on a extrait la fameuse pierre de Cassis, qui est profond d'une cinquantaine de mètres et grand comme deux terrains de football. Il est enfin à noter que des forçats ont eux aussi extrait en leur temps la précieuse pierre et que Victor Hugo a situé le personnage de Jean Valjean de ses "Misérables" au bagne de Toulon et à Cassis notamment.

Après la fin de l'exploitation de la carrière, la Calanque est devenue un port de plaisance, une annexe du port de Cassis visant à pouvoir accueillir plusieurs centaines de bateaux.

L'usine Alteo (anciennement Pechiney) de Gardanne, qui traite la bauxite pour en extraire l'alumine, est la dernière a encore évacuer ses déchets dans les Calanques : le tuyau d'évacuation des "boues rouges", toxiques pour l'environnement, parcourt en pipeline 47 km avant de plonger sous la mer dans la Calanque de Port-Miou, pour déboucher 7 km plus loin par 330 mètres de fond dans le canyon de Cassidaigne, une sorte de vallée sous-marine très étroite aux versants abrupts, qui atteint très rapidement 2000 mètres de profondeur, et dans laquelle se rencontrent des espèces profondes et des espèces côtières, ce qui est particulièrement exceptionnel. De par l'effet d'avalanche permanent des boues et leur conséquences toxiques sur les espèces marines, on peut constater une absence de vie dans ce secteur. Ces rejets devaient être interrompus en 2016 mais une dérogation a été obtenue par Alteo pour continuer à déverser ses boues rouges au moins jusqu'en 2022.

Enfin, il y a à la sortie de la Calanque de Port-Miou une exsurgence, une source souterraine d'eau douce qui débite dans la Calanque et sous sa surface environ 7 m3/seconde d'une eau contaminée par des remontées d'eau de mer. L'objectif a depuis longtemps est fixé de tenter de récupérer cette eau douce rejetée inutilement dans la mer, ce qui a motivé l'exploration des galeries pour remonter à la source, mais les problèmes qui ont été rencontrés étaient inédits et il fallait alors tout inventer. Tout d'abord, en 1969, on entreprit de construire un puits reliant la "cloche", une poche d'air présente dans la galerie sous-marine, à 500 mètres de son entrée, et la surface de la terre, 70 mètres de roche calcaire plus haut, en utilisant une bobine magnétique pour la localiser précisément en surface, à la verticale de ce point. L'exploration se poursuivit alors à partir de cette plateforme, le parcours ayant été raccourci de plus d'un kilomètre, et l'on réussit à avancer rapidement. Par la suite, en 1977, on y construisit un barrage en chicane pour empêcher l'eau de mer de la Calanque de rentrer dans la galerie, mais l'on s'aperçut que la contamination de l'eau douce par des remontées d'eau de mer venait de plus loin, d'un endroit pour le moment inaccessible et indéterminé. En 2012, le plongeur Xavier Meniscus a parcouru près de 3000 mètres depuis la Calanque pour atteindre une profondeur de 223 mètres, mais sans avoir remonté jusqu'à la source. Et si l'on raconte que les anciens navigateurs venaient là pour s'approvisionner en eau douce, il y a de bonnes raisons d'insister car les deux exsurgences de Port-Miou et du Bestouan font partie du même réseau. L'accès à l'eau douce est en effet actuellement un enjeu primordial, surtout sur les zones bordant des régions désertiques qui voient beaucoup d'exsurgences de ce type rejetant de l'eau douce en mer à pure perte.